Suite de notre interview de Giovanni et Julie, fondateurs du concept « Sete ». Ces deux jeunes bartenders ont participé à notre dernier shooting Paragon. Ils décrivent ici leur expérience.
[Retrouvez la première partie de l’interview ici]
Existent-ils certaines techniques que vous aimez particulièrement utiliser dans la création de cocktails ?
J. – Dans la façon de faire, de penser à des produits qui sortent un peu de l’ordinaire avec des techniques un peu marrantes. Jouer sur les textures par exemple.
G. – On n’a pas une technique phare. On veut juste rendre intéressant le cocktail ou inédits des goûts connus. Faire sortir les gens de leur zone de confort mais les rassurer parce qu’ils reconnaissent les saveurs.
En gros, votre signature créative, c’est le côté réconfortant mais déstabilisant. Alors, comment reconnait-on que c’est votre cocktail ?
J. – C’est encore tôt pour le dire, parce qu’on n’a pas encore voyagé, mais l’idée est de faire avec les produits locaux et de saison.
Paragon, ça a dû vous parler alors ?
J. – C’était cool. On a pensé à la carotte avec le White Penja.
G. – J’ai aimé le jeu de balance. Le poivre blanc est connu mais pas facile à travailler. Le Penja blanc est un peu un produit de luxe, spécifique. Utiliser ça et le mettre en avant, c’était sympa.
Pour vous, qu’est-ce qui fait un bon cocktail ?
J. – C’est de retrouver les goûts qui sont présentés. Sinon, on est déçu.
G. – C’est un cocktail équilibré, pas au niveau du goût mais des saveurs. Si on ne sent qu’un seul goût, c’est comme boire un jus.
J. – C’est compliqué avec un liquide. On peut avoir aussi des jeux de textures et de couleurs, comme dans un plat. Mettre une goutte d’huile dans notre cocktail va donner un coté olfactif puis gras par exemple.
Selon vous quels vont être les prochains challenges du monde du bartending ? On parle de la naturalité, de l’environnement, de choisir les ingrédients de façon responsable… Est-ce que vous pensez à ces problématiques ?
G. – Pour moi, c’est le sourcing, aller chercher les produits cultivés d’une certaine façon, pas à l’autre bout du monde. Il existe beaucoup de tension sur l’environnement. L’industrie du bar n’est pas forcément verte, il faut changer, retourner aussi à quelque chose de plus simple en terme d’expérience générale. Le monde du bar est un peu mystifié et il y a de plus en plus d’intérêt d’avoir des pointures niveau technique et recherche, mais sans prétention.
Tout ce qui est lié à la santé, à l’idée de consommer moins d’alcool etc., est-ce que ça va continuer d’après vous ? Par exemple, il existe de plus en plus de spiritueux sans alcool.
J. – Oui, on consomme plus raisonnablement. Ca va devenir plus facile de consommer moins fort, plus accessible.
G. – Le bar propose une offre structurée pour le sans alcool aujourd’hui.
J. – Oui, de plus en plus de bars proposent des cocktails sans alcool avec une recette créée. Ca permet d’avoir une offre pour ceux qui ne veulent pas boire, quand on est enceinte ou autre.
G. – C’est une offre qui va s’ajouter à ce qui est en place. C’est comme dans un bar où il n’y avait que des cafés classiques, maintenant on peut trouver des spécialités. La chose la plus importante c’est le client, de retourner à quelque chose de plus simple.
Le processus créatif est différent pour créer un cocktail avec ou sans alcool ?
G. – Oui et non. La différence notable, c’est la sensation en bouche, mais on peut jouer de la même façon. On cherche un équilibre. Mais l’alcool apporte beaucoup de choses, et s’il n’y en a pas, il faut trouver comment compenser. Il y a un autre challenge à créer un cocktail sans alcool.
C’est plus dur de penser un cocktail sans alcool ?
J. – Ca peut. Par exemple, un sans alcool amer, selon ce que tu as, ça peut être plus difficile. Mais ça se développe, maintenant il existe des spiritueux sans alcool qui ont ses caractéristiques. Le palais évolue aussi. Avant, je n’aurais jamais bu un cocktail comme un Negroni, quelque chose d’amer ou fort, et maintenant je ne suis pas capable de prendre un cocktail trop sucré. Aujourd’hui, les clients ont moins peur de demander un cocktail sans alcool avec de l’amertume.
Comment résumeriez-vous votre expérience Paragon ?
J. – Surprenante. Quand on a créé les cocktails, je ne m’attendais pas à avoir cette puissance en bouche. Ca reste un cordial même si ce sont des épices. On s’est rendu compte qu’en mettant une petite quantité, ça ressort énormément. Je ne m’attendais pas qu’avec la carotte ça fasse ça par exemple, et on peut l’assimiler avec des choses de caractère et d’autres plus douces.
G. – Inspirante. Justement, avec trois produits, on a fait six cocktails, on pouvait partir dans tous les sens, et on voit que les cordials se prêtent énormément à jouer avec. On peut se permettre de les mettre en avant pour faire ressortir telle ou telle saveur.
J. – Et aussi bien avec et sans alcool.
Parmi les six cocktails, duquel êtes-vous particulièrement fiers ?
G. – Le Smoky berry ou le Rue & Hops, parce que j’adore les cocktails à la bière, on n’en trouve pas souvent.
J. – Le Smoky berry. Mais ça dépend, je les aime tous. Celui-ci ça a fonctionné tout de suite.
G. – C’est un cocktail léger, on a l’impression d’avoir plus d’alcool que ce qu’il y a réellement.
J. – Oui, et bizarrement le plus facile à faire.